Les 10 meilleurs albums de 2021

par | 19 Déc 2021 | Music and Me

2021, année du destin. Une année dans la continuité de 2020, avec force résistance et un mince espoir de survie. Parmi ce désarroi, des albums furieux, queer, intelligents, sensibles et frondeurs, qui donnent la pêche et font réfléchir… Voici les 10 meilleurs albums de 2021.

10/ Olivia Rodrigo – SOUR

Label : Geffen | Genre : Pop-rock

Vous imaginez Taylor Swift virer mélodique et grunge ? Pour la première on peut dire oui (quoique) mais pour la seconde, plus difficile à admettre. La réponse s’appelle Sour d’Olivia Rodrigo. Pour les non-millenials, c’est la fameuse Nini Salazar-Roberts de High School Musical. On aurait pu s’attendre à une soupe classique, assez mainstream pour squatter les ondes et dégoûter les puristes, or il n’en est rien. SOUR est à l’image du nom : aigre, et fichtrement attachant. On parle échecs, ruptures, choses tristes avec une tendresse, une intelligence et une maturité qui impressionne même la blasée que je suis. On apprécie la force et la sincérité de cette jeune voix, sans trémolos ni effets de style poussifs. On commence fort avec Brutal, punchy et 90’s, Traitor, franc, le délicat Drivers License, l’énergique Good 4 U, l’étrange Jealousy, Jealousy. Un album à tiroirs malgré l’étiquette « chanteuse à textes », d’une fraîcheur désarmantes. Définitivement la bonne surprise de 2021 et un nom à inscrire sur la liste des talents à suivre, je dis !

9/ Tyler, The Creator – Call Me If You Get Lost

Label : Columbia Records | Genre : Rap / Hip-hop

Ca commence à bien faire, ce Tyler. Non content de sortir à chaque fois un chef-d’oeuvre, il se permet une pléthore de guests, amis pour la plupart, qui n’ont jamais été aussi inspirés : Lil Wayne sur l’énervé Hot Wind Blows, 42 Duggs avec le cri de guerre Lemonhead et son interlude soulYoungboy Never Broke Again et Ty Dolla $ign sur l’époustouflant Wusyaname, généreux comme un soleil d’été, ce bon vieux Pharrell Williams sur la montagne russe d’émotions Juggernaut. On peut citer le dramatique Momma Talk, la présence féminine de Daisy World sur Rise! Bien sûr, la liste serait trop longue, assez pour gripper le moindre disque trop fragile. Mais pas chez le mastodonte Tyler, fait d’un autre matériau que la plupart des rappeurs de sa génération. Monstrueux, triste, toujours en alerte, d’une créativité folle, Tyler montre encore, avec un savant mélange d’opulence et de prudence, son immense talent. Le tout sans sacrifier au succès trop facile. On ne peut dire que chapeau l’artiste, qu’il continue donc à faire des chef-d’œuvre, le veinard !

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8/ Mdou Moctar Afrique Victime

Label : Matador | Genre : Rock / Assouf

« Assouf » est un mot tamasheq (langue des touaregs du Mali) signifiant « nostalgie », et qui désigne le courant musical du blues touareg. Afrique Victime, un album que personne n’attendait, permet de redonner ses lettres de noblesse à tout un pan de l’histoire musicale africaine oubliée par la jeune génération. C’est du moins ce qu’on pensait jusqu’à l’écoute d’Afrique Victime. Car Mdou Moctar est un génial visionnaire, un vrai touche-à-tout, qui est fier de son héritage de touareg du Mali, mais avec un gros twist punk, avec une guitare affûtée comme un glaive. Les charmes du disque sont indéniables : Chismiten et sa rythmique hypnotisante, Taliat à la guitare tordue, l’arabisant Ya Habibti, l’entraînant Layla, les dangers du colonialisme sur Afrique Victime, qui parle de la disparition prochaine d’une Afrique désunie. Un mélange de réflexions profondes, qui nous frappe à l’écoute de ce disque hors-normes. Merveilleux, tragique, mélodieux, fort d’un magnifique héritage culturel, Afrique Victime est une véritable pépite.

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7/ Chet Faker – Hotel Surrender

Label : BMG | Genre : Electro / Trip-Hop

Nick Murphy, alias Chet Faker, alias un chanteur charismatique. Un génie, capable de transformer n’importe quel petit son en épiphanie sonore. C’est le cas avec Hotel Surrender, un retour en grâce d’un grand nom. On constate que le temps et les attentes n’ont rien enlevé à ses capacités musicales, et on retrouve avec bonheur cette voix profonde, bouleversante et ces sonorités électroniques mélangées à un R’n’B étudié. Un charme vintage indéniable et classieux, s’exprimant sans retenue : Oh Me Oh My, d’une mélancolie frappante, Low, enlevé et magnifique, Get High et son groove années 20 savamment étudié, l’entraînant Whatever Tomorrow, I Must Be Stupid, qui déchire le cœur, ou la litanie So Long So Lonely, hommage à son père. Vous l’auriez compris, un album qui secoue le corps et l’âme. Un disque intime qui pourrait étonnera plus d’un, et un peu d’introspection ne peut faire de mal. Un disque de Chet Faker ou Nick Murphy, qu’importe. Tant qu’il reste debout et qu’il continue sa superbe musique, je pourrais disparaître tranquille.

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6/ Arca Quadrilogie KICK ii / KicK iii / kick iiii / kick iiiii

Label : XL | Genre : Expérimental

La nouvelle déesse du son nous offre non pas 1, non pas 2 mais 4 albums à la qualité indéniable. Amour sans fin pour ces quatre diamants bruts, la quintessence même du son Arca : ballades effrayantes avec paroles trafiquées par ordinateur, rythmiques folles, boucles entêtantes, sonorités industrielles. Un style venu de nulle part, aux paroles équivoques sur les stéréotypes hommes / femmes : Arca est une trans non-binaire, assignée garçon à la naissance, préoccupée par la transidentité. Cette problématique hante son œuvre : univers mêlant masculin et féminin, chansons d’épouvante ou d’amour, d’une merveille à pleurer où d’une frousse sans nom, quand ce n’est pas un cri de colère. Mention spéciale au fou Prada et son duo Rakata, le démoniaque Incendio, le tordu Morbo, le doux Skullqueen, le superbe Rubberneck. Plus agité et agressif que KicK I, cette quadrilogie porte bien son nom : un vrai uppercut dans la face, une taloche de malade impossible à oublier. Une quadrilogie d’albums incassables qui risque de faire date dans l’histoire de la musique.

5/ Doja Cat – Planet Her

Label :  RCA | Genre : R’n’B / Hip-Hop

Quelle mutation, cette Doja Cat : de chaton aux allusions érotiques et aux clips équivoques, elle évolua en sorcière lionne puis finit comme guerrière panthère aux courbes agressives, feulant et crachant face à l’adversité. Planet Her est l’album de la consécration, la preuve éclatante d’un talent indéniable, une véritable déflagration artistique. Loin de céder aux sirènes du mainstream, Doja Cat n’abandonne pas son humour douteux et ses paroles aigres sur l’amour. Mieux, elle l’enrobe de son héritage multiracial avec des percussions africaines, des rythmiques latines, de l’électro de Detroit, voir des expérimentations électroniques poussées (bips, bops, ululements). Un album avec une pluie de guests (The Weeknd, Ariana Grande, SZA, JID), une myriade de hits : Woman, beau comme un rêve, Need To Know déchirant, Love To Dream, introspectif, You Right, parfait, le stellaire Been Like This ou encore le swinguant Kiss Me More. Plus qu’une planète, mais une vraie galaxie d’or et d’argent.

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4/ Little Simz – Sometimes I Might Be Introvert

Label : Age 101 / AWAL | Genre :  Hip hop / Soul / R&B

La rappeuse britannique découverte par Damon Albarn pour Gorillaz a depuis fait son bonhomme de chemin. Après quelques errances musicales assez intéressantes, Little Simz a mûri. Sa grandeur s’exprime pleinement dans un disque au titre moqueur, Sometimes I Might Be Introvert. Tout le contraire de la musique de ce disque époustouflant de grâce et de cohérence. On navigue sans peur entre la colère rentrée, la dépression ou la joie explosive, le tout avec une impression de bande-son de film d’espionnage des années 60. Le splendide Introvert, parfaite introduction pour une épopée féminine et féministe, le non moins merveilleux Woman, hommage aux femmes, le placide Two Worlds ApartI Love You I Hate You, au style soul du plus bel effet, le magnifique Point and Kill, et près de 19 chansons généreuses. Preuve que malgré le Brexit, l’Angleterre a encore son mot à dire sur sa musique. Mais Little Simz n’est pas dupe, elle sait que c’est sur les oubliés de la politique (les minorités ethniques) que viendra ce changement musical. Cet album en est la preuve vivante.

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3/ Foo Fighters – Medicine At Midnight

Label : RCA | Genre : Hard Rock

Soyons francs, trop de gens ne croyaient plus aux Foo Fighters, hein. Combien de bougons et de coincés du… bulbe, dirons-nous poliment, souhaitaient leur disparition depuis… 1995, année de création du groupe ? Trop. Mais on s’en fout ! Constance, patience et grâce sont les maîtres mots d’un groupe dont on a trop oublié les qualités évidentes. Si l’on oublie les délires ado marrants de Dave Grohl sur les 25 ans du groupe, on se rend vite compte que Medicine at Midnight est leur meilleur disque depuis longtemps. Making A Fire, étrangement tranquille, Shame Shame et sa candeur contagieuse,  Cloudspotter classique mais efficace, Waiting On A War, plein d’ardeur, l’inventif Medicine At Midnight, le vénère No Son of Mine, le mirifique Holding Poison. On a compris que papy Grohl a encore de la niaque et se fiche des commérages, et tente de se réinventer musicalement. Moins bavard, moins ampoulé, plus vrai,, Medicine At Midnight est la pilule du bonheur dans une année sacrément merdique. 

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2/ Lil Nas X – MONTERO

Label : Columbia | Genre : Rap / Hip-Hop / Pop

Impossible d’être passé à côté de l’album le plus bankable de 2021, la grosse explosion de l’année. L’album de tous les records : 303 millions d’écoutes sur Spotify, 130 000 albums vendus la première semaine, pratiquement 11 chansons de l’album dans le Billboard US !! MONTERO est un tour de force. Musical d’abord, avec ce savant mélange de rap queer, de hip-hop électro et de pop, pourtant hermétique à l’attirail soulMONTERO (Call Me By Your Name) et son clip en forme de célébration dionysiaque, le sautant INDUSTRY BABY et ses rêveries érotiques, et j’en passe. Aucun artiste noir jeune à ce jour n’avait vécu son homosexualité de façon si éclatante, c’est assez rare pour le souligner, dans le monde très machiste du hip-hop US. Une véritable prouesse pour ce jeune homme de 21 ans, issu d’un milieu pauvre, qui tend à être un modèle pour tous ses fans. On ne peut que saluer cette audace avec une telle maîtrise et une telle maturité. MONTERO, c’est la preuve qu’on peut faire un truc grand et maîtrisé sans que cela tourne au vinaigre. 

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1/ Django Django – Glowing in The Dark

Label : Because Music | Genre : Pop / Electro Rock

Il était temps. Django Django est enfin revenu. On ne tarit plus d’éloges sur le talent évident de ces Londoniens découverts par un label parisien (???), qui n’a de cesse d’interroger la pop britannique sacrément amochée depuis une dizaine d’années. Les fils spirituels des Beach Boys et New Order montrent qu’ils ont encore des secrets inavouables à dire sur leur musique. Spirals et son trémolo incendiaire, Right the Wrongs et sa rythmique implacable, Got Me Worried un brin salsa et secouant, l’imparable Waking Upi en duo avec Charlotte Gainsbourg, pépite pop, Free From Gravity aux accents chiptune, le planant Headrush, la jungle sonore de The Ark, la ballade accrocheuse de the World Will Turn, le clinquant Hold Fast, et je n’ai plus les mots pour continuer. Clairement la meilleure surprise de 2021, l’uppercut de plus de la part de ce groupe que j’aime tant. Une inventivité intacte, un Nirvana atteint après tant de péripéties. On  leur souhaite que cette saleté de virus n’amoche pas leur talent, et qu’il continue à nous tordre la cervelle avec leurs sons bizarroïdes et leur mélancolie british.

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Mentions spéciales 2021 : 

KAYTRANADA – Intimidated EP

Label : RCA | Genre : Electro / Hip-Hop / House

Pas d’albums en vue en ce moment pour le producteur montréalais, le meilleur de sa génération mais un EP, Intimidated, d’une beauté foudroyante et irréelle. Je n’aurai qu’une critique à dire : cela est trop court (3 chansons snif) mais si cela suffit à me permettre de faire la salsa avec les doigts de pied en chantant à l’envers, alors ça vaut tous les featurings d’Ariana Grande de la terre. Que dire de plus à ce qui a déjà été dit maintes fois sur KAYTRANADA et sa musique? Parfait, sans bavures, un travail net et précis comme toujours, une prod presque angélique, des guests soignés et une musicalité inventive et entière. Intimidated en duo avec H.E.R, céleste et bouillant, le tragique Be Careful avec Thundercat, d’une splendeur sans pareil, qui vous laisse groggy, et le duo énervé avec Mach-Hommy, $payforhaiti, au rap étincelant, avec en fond une basse et une house étincelantes sur une chanson qui n’en demandait pas tant. Tel un drogué en manque, je demande plus mais zut le disque est fini. Tant pis, j’attendrai le prochain shoot, histoire de tutoyer les sommets, encore…

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Damon Albarn – The Nearer the Fountain, More Pure the Stream Flows

Label : Transgressive Records | Genre : Pop

Passé 40 ans, les grands musiciens ont un gros problème : leurs albums deviennent ennuyeux. Damon Albarn arrive à être touchant avec ses groupes monstre comme Blur ou Gorillaz, il est rarement passionnant en solo (Everyday Robots, assez triste). Rien de tout cela ici. C’est un Damon Albarn introspectif, grave et solennel qui s’adresse à nous. Inspiré par les paysages glacés de l’Islande, l’album est pur et froid comme la neige : plus la fontaine est proche, plus le cours d’eau sera pur. Allusion à la situation actuelle ? Le talent de poète et de musicien d’Albarn n’est plus à prouver : la splendide ballade The Nearer the Fountain, More Pure the Stream Flows, l’étrange The Cormorant, l’éveil de Royal Morning Blue, Combustion et son charme magnétique, le déchirant Daft Wader. Quel bonheur, toujours, en tant que fan, de voir son musicien préféré tester avec succès une nouvelle recette. Un album pas facile d’accès, dépouillé, mince, mais grand par son âme.

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