Merveilles et misères de l’hyperpop
L’hyperpop est devenu en quelques temps un genre musical dans le vent. Mais jamais tranquille. On le dit fou, gonflé, tordu, excessif mais aussi inécoutable, forcé et vain. Par ses contraires, il est devenu incontournable.
Il faut voir certains genres musicaux à appréhender comme on plongerait dans une piscine. On trempe un pied puis l’autre, on s’immisce en grimaçant dans la flotte sans trop toucher à la poitrine. On grelotte puis on plonge, on hurle de douleur face à la froideur de l’eau et on se sent incroyablement libéré. Puis on s’ennuie ferme et on se surprend à nager dans l’eau, seule chose à faire lorsqu’on est dans une piscine (à moins que d’autres idées plus « adultes » vous assaillent). Et bis repetita. L’hyperpop n’y échappe pas. Et autant être franche, la baignade fut loin d’être tranquille. Une eau fluorescente, assaillie de vaguelettes rose fluo et d’électricité où nagent des créatures inaccessibles avec des refrains catchy et une électro tordue et parfois inaudible. Un eau étrange mais lumineuse. Une sensation étrange m’envahit. J’ai envie d’en savoir plus. Je m’y perds et j’ai la tête qui tourne. Je découvre de nouveaux noms, de nouvelles sensations, une impression de nouveauté qui ne m’était pas arrivée de puis longtemps. Puis l’euphorie redescend brusquement, avec l’impression d’avoir été grugée. Est ce que le rêve était trop beau pour être vrai? Ces faisceaux lumineux, ces paroles bubble-gum n’étaient que de la poudre aux yeux? Voilà ce que je pourrais penser, à chaud, de l’hyperpop. D’autant que certains prédisent sa fin future. C’est dans cette atmosphère bizarre que je décide vous livrer ce que je pense de ce genre devenu en quelques temps incontournable. Un genre culotté mélangeant sans peur des paroles de pop star pour ados avec l’électro la plus cassante. Le tout dans une ambiance de fête foraine sous acide. Trustant sans peur les premières places des charts, l’hyperpop, est devenu un « hyper » genre à la mode.
Mais comme toutes les modes, ce genre pourrait-il durer dans le temps ?
Hypernaissance d’un hyper genre
On affirme que l’hyperpop naît au Royaume-Uni, au milieu des années 2010, dans le monde cybernétique : Internet. Et plus précisément Soundcloud. Ce site suédois d’enregistrements musicaux est connu pour avoir abrité de nombreux débutants devenus pointures de la musique moderne. Entre autres, Lil Pump, $uicideboy$, ou Playboy Carti. Mais le terme « hyperpop » existait déjà en 1988, inventé par l’écrivain Don Shewey pour décrire la musique du légendaire groupe Cocteau Twins. Ses prémices se situent alors au début des années 2000, alors que l’internet grand public explose et le mélange des genres aussi. Certains affirment qu’il s’agit d’une version exagérée et plus pop de la new-rave et des Fluokids. Pour ceux qui étaient fans des Klaxons, CSS ou de New Young Pony Club, cela doit vous dire quelque chose. Ce genre déjà condamné à une mort certaine s’était distingué par son exubérance, son électro agressive mâtinée de pop, ses couleurs fluo bariolées (d’où le terme de fluokid). La balance entre des beats doux et lourds sont depuis la base de l’hyperpop, avec des refrains à peine chantés et beaucoup d’énergie. Rien n’est vraiment naturel dans l’hyperpop, des voix vocodées et modifiées à l’extrême, aux effets sonores semblables aux sonneries de téléphone ou de jeux vidéos, avec un effet de glitch. La pop y est exagérée, grossie à l’extrême comme une caricature d’elle-même noyée dans un bassin de dance années 90 très cliché.
L’album fondateur de ce qu’est devenu l’hyperpop est sans contexte Pop 2 de Charli XCX. Elle est d’ailleurs régulièrement appelée « Reine de l’Hyperpop » pour avoir confirmé les bases de ce qui a été cité plus haut. Derrière tous ces succès, un seul homme : A.G.Cook. Ancien musicien punk, il décide de faire un virage à 360° pour s’illustrer dans ce genre naissant, jusqu’à en devenir offieusement le « parrain ». Fraîchement sorti de la Goldsmith College de Londres, école de renom avec Damian Hirst et Graham Coxon de Blur comme élèves, Cook travaille comme directeur artistique pour PC Music, label désigné berceau de l’hyperpop. Mais le vrai berceau de l’hyperpop c’est bien entendu Internet. Tout ce nouveau monde virtuel, où chacun peut se rencontrer et faire évoluer ses projets, partager des goûts communs, allait forcément faire émerger quelque chose de créatif. D’où son explosion. Il faut souligner que ces prémices se sont déroulées à un moment où les réseaux sociaux étaient encore balbutiants et la notion de buzz, encore très fragile. Durant une interview pour Dazed en déccmbre 2023, Cook était clair sur ces débuts en ligne :
Beaucoup de gens se sont rencontrés grâce à SoundCloud et à d'autres choses amusantes, ainsi qu'à diverses soirées en boîte de nuit [...] C’était très encouragé d’être mystérieux sur Internet, ensuite des personnes connectent les infos de ce mystère et interagissent vraiment d’une certaine manière. Aujourd'hui, ces choses existent toujours, mais elles ne sont pas organisées de la même manière, car chacun doit posséder son propre îlot sur TikTok. C'est un peu plus direct, d'une manière amusante".
Certains artistes créent alors sans le vouloir le début d’une grande mutation pop. On peut citer FKA Twigs et son r’n’b organique, SZA et son flow martien, Janelle Monae qui lie passé et présent avec brio. Ces artistes revendiquent même une homosexualité flamboyante et visible, à rebours de l’image trop lissée de la pop pour ados. Encore une preuve de mutation non seulement musicale, mais sociale, politique même. Et curieusement, personne ne s’en émeut. L’époque a changé, les refrains aussi. La pop ne peut plus se permettre de chanter les vieilles ballades d’autrefois mais mue en une créature électrique et électrisante. Alors que A.G.Cook travaille pour Charli XCX, le genre explose soudain. On peut aussi remercier le confinement du au COVID de 2020 qui aide le genre à s’imposer. Et suprême honneur, truste les premières places des charts et vend des albums par millions. Pour un micro-genre apparu comme l’enfant bâtard de la pop, c’est une sacrée prouesse. Les nouvelles stars de cette pop sont gays, bi, voire trans comme la regrettée SOPHIE. Elles se permettent le luxe d’être agressives et parfois inaudibles (100gecs, PinkPantheress), et leur esthétique globale est à millie lieux des sages intérieurs roses d’autan. Charli XCX reviste Crash de Cronenberg avec du sang et du stupre, KALIKA et Yelle parle de fellation sans tabou, FKA Twigs se perd dans un surréalisme dadaïste qui laisse parfois pantois. Bref dans l’hyperpop, l’esthétique n’est pas que décorative, mais une part essentielle de son âme. Les tenues sont folles, les couleurs radioactives et les formes incongrues, certains objets s’en démarquent : chokers so années 2000, tissus iridescents ou vinyls, crop tops années 90, chaussures ou baskets à plateforme. Les clips sont étranges, les sujets parfois tabous sont montrés sans complaisance, une certaine hystérie s’en dégage. Good Ones de Charli XCX évoque un enterrement en mode veuve joyeuse, It’s OKay To Cry de SOPHIE commene par un beau ciel bleu avant de finir en tempête, Erotic Electronic de Slayyter est un prétexte pour voir la chanteuse défiler dans les rues de L.A… complètement nue. Comme pour sa musique, le but est de marquer les esprits dans tous les sens du terme….
Hyperpop, hyper-rap et hyper hype
Une chose est sûre, la soudaine popularité de l’hyperpop a de quoi étonner les anciens, mais pas franchement les nouveaux. Elle doit sa popularité extrême à TikTok et les réseaux sociaux, cette fois ci bien installés. Il faut dire que ce genre a tout pour plaire aux ados millenials : BPM hauts, auto-tune facile et sans complexe, myriade de sons électroniques dans un temps réduit. Parfait pour une énième vidéo de danse virale sur TikTok donc ! Mais sous la couche numérique, bat un tout petit coeur de rouille. L’hyperpop peut parfois laisser voir ses failles, son anxiété, ses doutes, l’ennui de la technologie. Des problèmes que connaissent bien les ados du millénaire. On note aussi ce besoin d’euphorie constante, cette fête perpétuelle, les substances illicites expérimentées dans un bazar sonore conséquent. Il n’est pas facile d’être un millenial, un ado tout court. L’hyperpop est la parfaite synthèse de ce que peut vivre un jeune d’aujourd’hui.
La nouvelle prêtresse de cet hypergenre est donc Charli XCX. Jeune Anglaise d’origine indienne, elle commença sa carrière à 16 ans, sortant des EP de très bonne qualité sur MySpace. Puis une période de doute la fait totalement arrêter la musique avant de recommencer en 2012 avec le très beau True Romance. S’enchaînent depuis les succès et la gloire. Il faut dire que la jeune femme est le pont ultime entre cette nouvelle musique hyperconnectée et la pop teenager d’antan. Elle se permet de s’inspirer de Britney Spears et Avril Lavigne tout en faisant la promotion d’artistes très underground comme Caroline Polachek, Sky Ferreira ou encore cupcakKe. Une très grande prouesse. Son album, Charli, sorti en 2019 est le fer de lance et l’explosion de l’hyperpop. Bariolé, gavé de featurings de qualité, magnifiquement produit et maîtrisé, l’album est un must.
Le méga hit 1999 en duo avec Troye Sivan est considéré par beaucoup comme l’hymne parfait de l’hyperpop. Influences 90’s, synthés old school, ambiance adolescente, la chanson est le porte-étendard idéal. Et que dire du clip : des références aux Sims, à Marilyn Manson, aux pubs Skechers et Tena, à Titanic et American Beauty. La nostalgie est totale pour quelqu’un comme moi, né en 1990 et étonnante pour tout millenial né après 2000. Encore une fois, le pont parfait entre l’ancienne et la nouvelle génération.
Mais l’album ultime, considéré comme beaucoup comme le véritable chef-d’oeuvre de l’hyperpop est Oil of Every Pearl’s Un-Insides de SOPHIE. Personnage mystérieux de l’électro underground, elle se démarque pour ses remix pointus et son grand sens de l’harmonie électronique. Femme trans, elle se définit comme non-binaire. Elle surfe aussi bien sur son genre que sur les genres musicaux : électro sèche, EDM de fête foraine, le tout avec une voix à la fois grave et haut perchée. A l’affût de la nouveau, la grande Madonna co-écrit avec elle Bitch I’m Madonna, réalise des remix pour Rihanna et… Charli XCX. Elle collabore avec une inconnue devenue mégastar de la teen pop : Kim Petras. Ses talents indéniables de DJ créent des merveilles pop modernes comme la mixtape de Charli XCX Number 1 Angel, ou son album Pop 2.
Après des collaborations remarques avec Vince Staples et Lady Gaga elle-même, elle sort Oil of Every Pearl’s Un-Insides en 2018. C’est une bombe. L’album est un voyage merveilleux entre la pop électro la plus pure (It’s Okay To Cry), la violence noire (Faceshopping), parsemée de moments d’accalmie brumeux (Immaterial). SOPHIE a tout fait elle-même : mixage, arrangements, direction artistique et réalisation de ses clips vidéo. Glitchs furieux, morceaux ambient, techno industrielle, tous les genres électro sont représentés et magnifiés par l’artiste.
Les albums de l’hyperpop éclatent comme des supernovas dans un ciel trop calme. Citons 1000gecs de 100gecs, tout à fait représentatif de ce genre excessif avec voix bourrée d’Auto-Tune, arrangements tarabiscotés façon 8 bit – un autre sous-sous-genre appelé glitchcore. L’album est bien accepté par les majors et la presse mainstream. Un événement de taille pour un album qu’on verrait plus dans une rave illégale que sur MTV. money machine devient l’hymne des TikTokers en mal de vue. Flamboyant de Dorian Electra, chanteuse queer de Houston, est le penchant élégant et romantique d’un genre hystérique. Ses ballades électro Mr To You ou le très beau Man To Man, sont aussi engagées sur la cause LGBT que riches d’émotions. Le méconnu et très beau Reflections d’Hannah Diamond est une version épurée et « kawaii » de cette pop hypertrophiée. Les délicats Invisible et Love Goes On en sont la preuve. Dans un style plus sexuel et agressif, notons la participation de la blonde et décadente Slayyyter. Son album STARFUCKER au titre équivoque parle volontiers de sexe cru et violent, de désirs larvés et de sensations intenses.
Chose étonnante, l’hyperpop ne se contente pas que de pop justement. On observe une mue étonnante chez des chanteuses de R’n’b comme Pinkpantheress. Son album to hell with it, est un bijou de douceur, avec des ballades d’une splendeur sans égale comme Pain ou encore Last Valentines. La fraîche Shygirl, Anglaise de naissance, est devenue en l’espace de quelques mois la reine du cool. Nymph, sorti en 2021, est son manifeste queer pour une sexualité épanouie et parle sans détour de plaisir féminin. Sous les beats de rap et les arrangements r’n’b, l’électrisante hyperpop pointe parfois le bout de son nez. Il n’est plus honteux comme autrefois de mélanger électro, rock et rap, avec la crainte de se faire jeter. Le Klub des Loosers ou encore TTC (Teki Latex) peuvent être fiers du chemin parcouru, alors qu’ils étaient peu reconnus à leur époque (les années 2000)…
Un océan faussement tranquille
Enfin, l’hyperpop a gagné les foyers, a récolté ses lauriers et se trouve bien placée dans les charts mondiaux. Mais ce genre divise. Et la critique au début, n’est pas très tendre. On est pantois voire sceptiques sur certains sons venus d’on ne sait où, et le micro-genre paraît parfois hermétique. Son absence de jugement la rend appréciable de premier abord. Mais son refus d’intellectualiser ne permet pas une franche plongée dans ses méandres, si bien que parfois on a l’impression de rester à la surface. En même temps, l’hyperpop n’est rien d’autre que de l’hyperpop. Il suffit de s’y plonger et de profiter de l’instant présent, et ce n’est pas plus mal.
Pourtant, une critique récurrente est que comme tous les micro-genres, l’hyperpop est versatile. Et elle ne prend pas vraiment le temps de s’installer et de « durer » si l’on peut dire les choses ainsi. On peut louer les efforts importants de PC Music, d’embrasser cette culture digitale et de l’imposer comme nouveau fer de lance. Mais le credo de l’hyperpop, c’est le « maintenant », le « présent », pas question de s’ancrer dans le passé (trucs de vieux?). C’est cette spontanéité qui rend le genre intéressant, mais parfois un peu vain. Cette impatience, cette hystérie collective, bien malgré elles, ne sont-elles pas les nouveaux maux des millenials? Tout, tout de suite. Les chansons, efficaces, se consomment rapidement, comme un fast-food. Les titres, raccourcis, et les conclusions parfois abruptes de certaines compositions renvoient à cette culture du clickbait actuelle.
Autre point intéressant : l’héritage. Si on reproche à l’hyperpop de faire tout avec n’importe quoi, on ne peut pas dire que les anciennes gloires ont été oubliées. Eurodance, dubstep et techno des années 2000 abondent dans cette sauce. Tout comme les gloires du passé comme Rebecca Black avec Let Her Burn, efficace et complet. Un subtil album avec un hommage appuyé au trip-hop des années 90 aux légères teintes fluo-disco. Oui, l’hyperpop ose, et tant pis si le mélange ne prend pas puisqu’elle aime se moquer d’elle même.
Tout n’est donc pas rose au pays du fluo. Dazed lui même sort un article en 2022 intitulé « Adieu l’hyperpop : l’ascension et la chute du « genre » le plus détesté d’Internet« . Ce qui prouve que ce genre polarise encore aujourd’hui. Et l’on observe une guéguerre parfois fatiguante entre les puristes et les néophytes, les vieux de la vieille et les jeunes, bref l’ancien monde et le nouveau monde. L’éternelle querelle des anciens et des modernes, mais aussi celle des jaloux et des précautionneux. Spotify lance en 2019 sa playlist sobrement intitulée « Hyperpop » et Apple, un peu courroucé par le succès de celle-ci, riposte. Elle sorte sa propre playlist rebaptisée « Glitchcore« , qui deviendra un sous-sous genre (vous suivez) de l’hyperpop. Comme cités dans l’article de Dazed, les artistes fatigués d’être re-marketés telles des bouteilles de jus d’orange, rebaptisèrent à leur propre insu la musique en « digicore« . Ce qui avait été conçu comme une blague devint très sérieux quand toute une ribambelle de gamins se réclamèrent du digicore et firent leur propre galette dans leur chambre et LF Studio.
Forcément, les labels répondent présent à un peu de nouveauté. Et remplir le tiroir-caisse, capitalisme oblige. On pourrait être contents que toute une génération d’artistes se réclament de l’hyperpop. Mais cela cache forcément un revers : une quantité assez importante de musiciens relevant de l’expérimental se trouvent marqués comme faisant de l’hyperpop. Ouch. Quand d’autres, lassés de l’étiquette, transgressaient allègrement les limites pour sortir de ce cadre devenu encombrant. Même dans le monde de la musique, une petite pichenette de papillon pouvait accoucher d’un tsunami comme l’hyperpop. Et même dans le monde vaporeux de l’hyperpop, les considérations bassement terre-à-terre comme l’argent et la rentabilité existaient et dictaient leurs lois.
Un sous-genre condamné, d’une certaine façon, à disparaître…
Fin de l’hyperpop ?
De soubresauts d’une mort avancée avaient été décelé. Déjà la mort accidentelle et tragique de SOPHIE, en 2021. L’artiste décède d’une chute accidentelle pour avoir voulu observer la pleine lune à Athènes. L’hyperpop perd une de ses déesses… et aussi beaucoup d’innocence. Car comme le genre plaît, il faut le rentabiliser. En 2022, la production devient agressive et énormément de chansons, singles, EP, remix sortent dans un bordel extraordinaire. Une surproduction qui a eu tendance à lasser. De plus, le genre lui-même, caractérisé par cette philosophie de l’instant, s’essoufflait de lui même. Du coup, un doute subsiste : les artistes étiquettés hyperpop sont-il honnêtes ? Une autre question frappe : est-ce que l’hyperpop est morte à force de faire de l’hyperpop justement? En naissant dans le bruit et la fureur, l’hyperpop avait prédit sa propre disparition. Trop de fêtes tue la fête c’est certain, et les artistes voulaient voler de leurs propres ailes. Charli XCX tweeta « RIP Hyperpop » pour bien marquer le coup, et Slayyter de son propre aveu affirmait changer de direction après STARFUCKER et Troubled Paradise.
Glaive, alias Ash Blue Gutierrez, avait sorti un album remarqué sur Interscope, I Care So Much That I Don’t Care at All, après un buzz survenu au confinement. Il avouait sans peur qu’il avait changé certains effets de style comme les glitch et les mélodies chiptune pour se rapprocher du « vrai ». Selon lui le terme « hyperpop » est galvaudé, ce qui n’empêche pas le jeune artiste d’être étiquetté dans ce genre. Les temps ont changé, les ados de 2013, année de naissance de l’hyperpop, sont devenus des adultes. Et se permettent de tourner le dos à celle-ci. Preuve de son enterrement première classe : 10 000 gecs, de 100 gecs, sorti en 2023. En l’écoutant on observe une meilleure écriture, une tendance au refrain rock, parfois métal, avec des ambiances industrielles plus marquées. L’hystérie propre à l’hyperpop se fait toujours sentir, mais on sent que le groupe a mûri et tente de se débarasser de l’étiquette. On pourrait être triste d’un tel constat, mais c’est aussi la preuve qu’un groupe peut se réinventer sans perdre son âme. Et j’ai même tendance à préférer cet album au précédent, peut-être moins hystérique et plus proche du « vrai ». Des éléments hyperpop dans l’air ambiant persistent toujours. La rappeuse américaine Rico Nasty renomme ses chansons en « Time Flies » ou encore « iPhone« , signes distinctifs des » hyperpopistes ». Elle s’est même invitée sur un album de 100 gecs. L’album Chromatica de Lady Gaga et sa version remix sont indéniablement hyperpop dans toutes leurs esthétiques.
Même si l’on peut reprocher son excès perpétuel, l’hyperpop a plus de choses à nous dire qu’on ne le pensait. Ses claviers furieux, ses excès sonores avaient plus à raconter que n’importe quel sous-genre apparenté. En tant que genre, elle peinait à s’imposer et était de toute façon condamnée à une fin certaine. Mais en tant que simulation de la pop, elle avait tout gagné. Et puis dites vous bien que ce qui est sur Internet, reste sur Internet. Son aura iridescente accompagnera encore de nombreux aspirants musiciens.
Glaive déclarait en 2023 que le genre ne mourra jamais. A bon entendeur, salut les hyperpopistes.