Ou comment une bande de joyeuses nanas à poutre habillées comme des voitures volées et maquillées comme les plus beaux lampadaires me réconcilièrent avec le drama classe et la real TV.
Drag queen, bon. Je ne connaissais que RuPaul, et Divine bien sûr, pour ses films d’auteur à haute teneur en caca (vous êtes assez grands pour chercher par vous même sur Google je crois), et dans un autre registre plus…adulte dirons-nous, ChiChi LaRue, une drag queen réalisatrice de films…d’adulte quoi (me demandez pas comment je suis tombée sur ces films s’il vous plaît, ce blog est tout public merci). Intriguée par ces infos, je clique sur le macaron « nouveauté » de Netflix avec écrit « téléréalité » en tout petit. Eurk. Bon. Je lance le premier épisode de la première saison de RuPaul’s Drag Race sobrement intitulé « Drag Discount ». Pour une raison que j’ignore encore aujourd’hui, j’étais persuadée d’avoir affaire à quelque chose de gros dès les premières minutes. Etait-ce à cause des couleurs criardes parfois de mauvais goût ? Les tenues discutables de certaines candidates et leur maquillage outrancier ? Les chansons catchy et le générique en mode 24h du Mans ? Les nombreuses références au sexe à un, deux ou trois en riant comme des baleines ? Les challenges improbables qui pouvaient être des occasions pour une hétéro comme moi de se rincer l’oeil sur de beaux Portoricains ? Peut-être tout ça à la fois.
Mais une chose était sûre. RuPaul’s Drag Race allait changer ma vie à tout jamais. Tout comme durant un froid matin de mars 2001 sur MTV Clint Eastwood de Gorillaz avait cassé le quatrième mur et m’avait emmené dans un monde lointain ; 19 ans plus tard, par une chaude soirée d’été, RuPaul’s Drag Race m’ouvrit les portes d’un univers cosmique dont j’ignorais tout. Une fan était née.

Un peu d’histoire avec des paillettes
La drag queen est une artiste, ne n’oublions pas. Elle chante, danse, amuse le public, et surtout porte des costumes extravagants et du maquillage outrancier, et très coloré. Son but est de divertir le public avec son propre style, ses propres chansons parfois. Elle peut aider à pimenter une soirée, elle se balade dans une boîte de nuit, un cabaret pour ajouter un peu de fun, ou même, suprême honneur de l’hipster parisien ou new-yorkais, dans des restaurants servant le brunch le week-end. On la voit aussi dans certains endroits à la mode avec des tenues que l’on remarque tout de suite. Plusieurs drag queens se sont démarquées dans l’histoire. Parlons en détail de la première de toutes, William Dorsey Swann. Né esclave, gay et pauvre, il entreprit d’être un activiste LGBT à une époque où l’on vous jetait en prison pour cela, et organisa des bals drags où des hommes habillés en femmes dansaient entre eux. Il fut souvent inquiété par la police, menacé de bannissement, et vu par le Président des Etats-Unis comme une « problématique », le faisaint passer même pour un proxénète en qualifiant ses soirées de divertissement de « maison désordonnée » (bordel). Ambiance. Il s’autoproclama « queen of drag » et vécut sa vie aussi librement qu’il l’avait voulu. Ses bals drags lui survécurent et vous pouvez y aller encore de nos jours à New-York, Londres, Paris ou Berlin. Jusqu’à aujourd’hui son nom a une résonnance toute particulière. Il ouvrit la voie à d’autres pionnières : l’Anglais Douglas Byng, la Française Coccinelle (première trans de l’histoire française), l’Irlandaise Pandora Panti Bliss, l’Allemande Conchita Wurst (qui gagna l’Eurovision en 2011), l’Australienne Edna Everage, l’Américaine Marsha P. Johnson (sa vie fut retranscrite dans un documentaire Netflix poignant), l’Américaine Lady Bunny au brushing impeccable et sa copine de beuverie qui nous intéresse aujourd’hui : RuPaul.

It’s a Drag’s World

Sous la Drag, la Queen
Mèmes en fusion, stars à profusion
Le dernier mème en date qui a tout explosé online, l’intrépide Vanessa Vanjie Mateo qui se fend d’un véritable moment de télévision après avoir été éliminée. Sans heurts, elle quitte le plateau très lentement en froufrous tout en susurrant : « Miss Vanjie… Miss Vanjie… Miss… Vaaanjie ». Il n’en fallait pas plus pour casser Internet. Après la grosse lune de Kim Kardashian, survient les propos laconiques d’une drag queen en autodérision totale. Le mème est si fracassant qu’on le voit dans des films, des séries animées, voire même dans des applis comme Shining ou Grindr ! Chaque épreuve de comédie dans des challenges concoctés par la déesse RuPaul est un sommet de crise de larmes et de rires. Parmi mes préférés, je vous cite les fausses pubs pour parfums, la version drag de We Are The World, l’hommage à John Waters et Divine, Beverly Hills 9012 le remake drag, les Inconnus ou les Nuls ont de la concurrence, c’est certain. Et comme je suis sympa, je vous balance le lien d’une compilation des maxi-challenges pour vous marrer, tiens.

… and may the best woman win !
Face à l’élégance arty d’une Sasha Velour, les délires macabres d’une Sharon Needles ou bien le charme du ghetto avec Latrice Royale, vous ne vous sentirez plus seul(e). On n’osera plus crier blasphème en voyant des hommes de toute origine se grimer en femme. On pleurera beaucoup devant Ongina qui révèle sa séropositivité face caméra, ou Monica Beverly Hillz son coming-out trans, quand Blair St Clair déclarera avoir été violée. On aura une tendresse infinie pour ces personnes qui ne demandent qu’une chose : être aimées pour ce qu’elles sont, et vivre de leur art. On ne pourra plus définir un « type de gay » en voyant la multitude de physiques et de visages que l’on ne verrait pas dans une fiction classique, composer le large spectre LGBTQI+. On pensera à ceux qui sont morts pour que cette nouvelle génération puisse profiter de l’existence et des possibilités infinies offertes à elle. On voit même des jeunes gens reprendre le flambeau et faire renaître la scène drag dans des villes comme Berlin, Lille, Lyon ou Paris, moribonde il y a une décennie. « Aujourd’hui, le drag, c’est tellement plus que juste les queens ! » disait Trinity The Tuck dans une interview dans Têtu Magazine. Le cadre formel autour de cette discipline a largement débordé et est en passe de devenir un véritable monde ouvert, où les erreurs du passé, la méconnaissance et les oublis pourront peut-être un jour s’estomper.
Bref. La drag queen a enfin pu s’épanouir, hurler à la face du monde qu’elle existe juchée sur de grands talons. Le chemin à parcourir reste encore long, mais elle finira par y arriver. Bonne chance à vous toutes, et surtout, ne merdez pas.

