
McBling, rêveries 2000 en strass et paillettes
McBling, ou le parangon du paraître et de tout ce qui était éblouissant. Consumérisme et clinquant furent la norme en ce début de troisième millénaire. "Sois belle et consomme" fut le vrai crédo de McBling.
Difficile de passer à côté de cette tendance phare des années 2000 que fut McBling. Comme son nom l’indique, tout n’était que strass et accessoires voyants et exagérés, gonflés à bloc par des couleurs pastel et des papillons multicolores. Marqué par l’ère Bush de la consommation agressive et du boum des nouvelles technologies, le mouvement McBling devint plus qu’un phénomène de mode. Il se mua carrément en un projet de vie. Bientôt, les jeunes du monde entier s’affublèrent de ras de cou enrubannés et lourds, de tee-shirts Baby Phat et de pantalons en velours Juicy Couture. De nouvelles it-girls firent la pluie et le beau temps sur cette tendance. Citons la reine Paris Hilton, fondatrice du bimbocore et précurseure du Barbiecore même, Lindsay Lohan, les Destiny’s Child et n’importe quelle starlette pour ados de l’époque. Des films comme Lolita Malgré Moi, Bring It On ou encore les Cheetah Girls ont été des piliers de cette esthétique jeune et fringuante. Internet devenait grand public, l’intimité des gens n’avait jamais été aussi exposée qu’à cette période, et tout le monde trouve ça normal. On s’affiche sans peur et sans reproche sur MySpace, Facebook, en publiant ses photos avec son Blackberry en écoutant les hits de Britney Spears sur les premiers iPods. La télé-réalité offre un aperçu d’une existence de luxe, où tout n’est que fêtes, farniente, jeux et de sorties endiablées. Plus rien ne sera comme avant, une étrange facilité de connexion entre les humains s’était installée. Comme toutes les modes, McBling connaît une résurgence étonnamment éclatante de nos jours. Nostalgie quand tu nous tiens… et inévitable, vu notre époque ultra-connectée. Mais toute cette légèreté rosée pouvait-elle signifier quelques chose de plus profond? Que reste-il sous les diamants en verre et les froufrous ? Pouvait-on réellement prendre au sérieux toute une génération de jeunes rebelles en sweat-shirt en velours accro à leurs téléphones?
McBling, les diamants sont éternels
Qu’on se le dise, l’humanité n’a plus d’inspiration depuis l’Antiquité. L’attrait de l’Homme pour tout ce qui brille ne date pas d’hier. Pire même, certains chercheurs très sérieux affirmeraient que cette tendance est purement… cérébrale. Des études très sérieuses aussi démontrent que les enfants et les bébés préfèrent les surfaces brillantes et lisses aux surfaces mates. Une hypothèse bien documentée affirmerait aussi que cela serait inconsciemment liée à l’eau et la survie. Dans la Préhistoire, savoir déchiffrer les reflets brillants était une question de salut, tout bêtement. Trouver l’eau, c’était trouver le repos, la désaltération, la vie. Ce salut a donc progressivement mué en un attrait pour l’opulence, et d’une certaine mesure, la richesse bien sûr. Notre petit cerveau d’humain est donc conditionné depuis fort fort longtemps à se diriger visuellement vers tout ce qui brille… De plus, les différentes croyances ancestrales ont eu leur rôle à jouer : pouvoir des dieux lié à l’or en Egypte antique, signe de royauté dans les monarchies qui suivront, pouvoir sacré pour les religieux, indication d’un statut social élevé. Le pouvoir, l’ambition, la force, tous ces adjectifs dignes d’un soap opéra.
Encore plus fou, le strass non plus ne date pas d’hier. Il fut créé en Autriche vers 1730, pour concurrencer le commerce du diamant et le rendre plus accessibles. Il porte d’ailleurs le nom de son fondateur, artisan joaillier alsacien du nom de Georg Friedrich Strass. Le strass, c’est un type de verre au plomb à fort indice de réfraction, capable de briller autant que les pierres précieuses lorsqu’il est taillé de manière adéquate. Ce qui était destiné à une clientèle modeste va pourtant orner les parures des plus riches dames de la Cour et devenir une véritable obsession vestimentaire. Autre innovation de taille, Daniel Swarovski crée son entreprise éponyme en 1895 et inaugure une production industrielle du strass en améliorant la qualité et les machines pour un meilleur rendement. Cette création anodine n’allait pas être qu’un banal effet de mode puisqu’il est revenu en force dans les années 2000. Jusqu’à en être son symbole.
Dérivée de la légendaire tendance Y2K, le McBling est plus flashy et glamour que sa consoeur. Elle est vite le reflet d’un nouvel univers. Le monde devient globalisé, les technologies explosent, notre société est bombardée d’images et d’ambiances toujours plus recherchées. Après le choc du 11 Septembre et son horreur télévisuelle, la jeunesse cherche un nouveau souffle. Dans les strass et les paillettes, McBling incarne un mirage de croissance, de richesse et de sensualité pour tous. Tout le monde y trouve son compte, riches comme pauvres. Ayant toujours été accessible, le strass devient le symbole d’une jeunesse qui veut briller, se sentir exister à peu de frais. Plus accessible que le diamant, et beaucoup moins onéreux, le strass s’affiche alors partout. On le voit dans tous les domaines possibles : sportswear, ceintures, sacs à main, bijoux de téléphone, d’ordinateur, d’oreilles ou de cheveux… et littéralement sur les dents. Après une percée timide, le McBling s’affiche sans complexe aussi chez Madame Tout le Monde qu’autour du cou de Britney Spears ou de Jennifer Lopez. Le terme bling-bling, issu de l’argot jamaïcain reprenant l’onomatopée d’un collier qui claque, est parfaitement adapté à ce style ostentatoire. Il n’est plus mal vu d’afficher ses paillettes et ses couleurs brillantes sans passer pour un fou. Mc comme McDonalds, le fast food, et bling comme le glitter inhérent à cette nouvelle époque pleines de promesses. On cherche à imiter ses aînés, à faire tout aussi riche et fort qu’eux. Le showbiz se l’approprie avec mesure et démesure, devenant pendant un temps le symbole des chanteuses pop et R’n’B de l’époque. Le strass s’acquitte parfaitement de cette tâche en s’appliquant tout autant sur des vêtements bon marché que luxueux. Les grandes marques de luxe osent l’apposer sur leurs créations. Versace sort des robes de soirée ostentatoires couvertes de strass. Dior connaît un renouveau sous le patronage de John Galliano en osant les initiales “Dior” en strass brillant dans le fameux Saddle Bag. Il devient l’un des best-sellers de la marque. Dans le McBling, certes, les diamants sont éternels, mais le strass aussi…
McBling, rose poudré, velours et compagnie
Après la brillance à outrance, voici les matières en jachère, les coloris à la folie. Le McBling ne dédaigne pas les matériaux fous et colorés, collant si possible avec ses strass chéris. On voit l’émergence de marques iconiques des années 2000 comme Juicy Couture. Créée en 1997 en Californie par Pamela Skaist-Levy et Gela Nash-Taylor, elle marque les esprits durablement pour ses survêtements en velours dans des coloris d’ordinaire peu visibles dans la mode : rose Barbie super flashy, rouge vif turquoise brillant. Ajoutez à cela en lettres en strass bien visibles, “juicy” (juteux). Leur jogging velours va faire les choux gras de la presse people et des people eux mêmes. Madonna, Paris Hilton ou encore Britney Spears sont les égéries officieuses de la marque. Sorti en 2001, le jogging rose vif et strass (encore!) devient l’élément iconique de Paris Hilton d’ailleurs, au point de devenir un cliché… mais qu’importe. Elle se plaît à collectionner les ensembles, si possible roses, et tout le monde veut faire pareil. Les ventes explosent, tout le monde en demande. On peut le voir comme une petite blague dans le film Lolita Malgré Moi, portée par la redoutable mère de la redoutable Regina, ennemie de l’héroïne. Il symbole l’uniforme de la parfaite soccer mom, cliché américain définissant les mamans au foyer un peu désœuvrées portant des chaussures de sport en parlant de choses superficielles. Les prix abordables – comptez 100 dollars pour un ensemble sport complet, 89 dollars pour un sac à main – vont faire de Juicy Couture la marque phare des années 2000 et la parfaite illustration du McBling.
Impossible d’oublier un autre monstre de la monde 2000 qu’est Baby Phat. Créée en 1999 par Russell Simons sous le nom de Phat Farm, la marque estampillée “hip-hop” n’a pas toujours été au firmament. Elle proposait timidement des tshirts ajustés pour femme appelés “Phat Fashions LLC”. Tout change quand Russell épouse Kimora Lee, mannequin muse de Karl Lagerfeld, et que celle-ci s’incruste aux réunions créatives. Déçue par les prototypes de tshirts pour femme de la marque, elle décide de repenser à ses années de mannequinat et de s’adapter aux femmes de son époque. Ayant vécu du racisme dans sa carrière car à la fois asiatique et noire, Kimora Lee pense à toutes les femmes de toutes les ethnies, et les montrent sans problème dans ses campagnes d’affichage ou à la télé. Une petite bombe dans le monde très straight et blanc de la mode… La matière phrase ? La fourrure, si possible bien vive et touffue. Dès lors, c’est l’implosion. Toutes les stars du R’n’b, du hip-hop et du rap de l’époque, féminines surtout, ne jurent que par Baby Phat. Le fameux logo chat en strass, inspiré de son siamois Max, s’orne sur tout ce que peut produire Baby Phat : culottes, chapeaux, vestes, ceintures, et même téléphones et carte bancaire ! La collaboration avec Motorola, avec un modèle rose pâle avec des strass collés sur le clapet, devient un symbole. La carte Visa est rose, et est ornée du logo chat, en strass bien entendu ! La marque explose, et diversifie ses activités dans les chaussures, les maillots de bains et les parfums. Deux ans à peine après son lancement en 2001, Baby Phat possède un chiffre d’affaires de 30 millions de dollars, là ou Phat Farm avait mis 6 ans à atteindre… De plus Kimora Lee devient la première personnalité afro-américaine et asiatique à posséder une entreprise cotée à 1 milliard de dollars, de l’Histoire. Qui aurait cru que de la fourrure synthétique ne permettait pas de tutoyer les sommets ?!